Les enjeux cachés des conflits en entreprise

Sommaire

« Les difficultés doivent pousser à l’action et non décourager. L’esprit de l’Homme se renforcera par le conflit ». John Dewey nous propose une version optimiste et philosophique des désaccords. Mais, au travail, divergences, contestations et querelles revêtent un caractère délétère et improductif. La discussion s’anime et le ton monte en réunion. Les collaborateurs se lèvent, fulminent, crient même parfois. Ah ! Comment réagir quand on est manager ? Comprendre ce qui se joue derrière une incivilité. Différencier la problématique de l’émotion. Entendre les besoins insatisfaits de ses équipes et les appels à l’aide déguisés en insultes. Autant de prises de conscience nécessaires pour gérer les conflits en entreprise et prévenir les risques psychosociaux. Détendons-nous, tout va bien.

Les conflits en entreprise : comprendre les enjeux

Définition de l’incivilité

L’accord du 18 mars 2010 relatif aux incivilités et aux violences au sein des relations commerciales les définit comme suit.

 

« La non-observation des convenances ou l’absence de respect d’autrui (individuel ou collectif) entraînant une rupture avec les mécanismes et codes basiques de communication et un risque explicite ou implicite pour la sécurité, le bien-être et la santé morale ou physique des personnes ; elle constitue un fait susceptible d’incrimination pénale. »

Il en va de même en entreprise puisque l’article 7.3 de l’accord du 26 septembre 2002 relatif à la santé et à la sécurité au travail confirme que l’incivilité survient lorsqu’un salarié est confronté à une absence de respect qui peut entraîner un risque pour sa sécurité, son bien-être et sa santé mentale ou physique ». Il les catégorise en 3 critères :

  1. les agressions verbales, telles que mépris, impolitesse, sous-entendus désobligeants, injures, insultes, menaces envers ses collègues, ses supérieurs ;
  2. les agressions comportementales (harcèlement, chantage) ;
  3. les dégradations de biens (bureau, voiture de fonction, équipement informatique) et agressions contre les personnes (destruction, obstruction, occupation de locaux, séquestration, violence légère, coups, blessures volontaires, homicide.

💡 Selon le sondage OpinionWay réalisé en septembre 2021, le coût des conflits au travail s’élève en France à 2,9 milliards d’euros. Ceci équivaut à 3,1 heures par semaine et par employé consacrées à la gestion des conflits.

💡 25 % des salariés français déclarent se retrouver en situation de conflit au travail « très fréquemment » ou « assez souvent ».

L’interprétation : la cause réelle de l’incivilité

Au travail comme dans la vie privée, les incivilités proviennent généralement du delta entre les perceptions. Chacun juge et interprète la situation selon son propre prisme (les facteurs endogènes) :

  • son éducation ;
  • son vécu (ses difficultés) ;
  • son expérience ;
  • sa gestion des émotions ;
  • la satisfaction de ses besoins, etc.

Les facteurs exogènes (environnement, culture) s’ajoutent à cette liste.

L’ensemble de ces critères influence la pensée donc la lecture d’une situation, et aussi la manière de réagir. On parle alors de cadre de référence.

Voilà pourquoi un même événement peut passer inaperçu chez un salarié et provoquer des tensions chez son collègue. La dimension physiologique fait la différence.

💡 À savoir pour mieux gérer les conflits

La source du conflit diffère de la raison du conflit.

➡️ La source, c’est l’élément, le stimulus, les divergences d’opinions qui servent de déclencheurs.

➡️ La cause réelle de l’incivilité, c’est la réaction des gens qui engendrent des réponses inadaptées.

😉 Tips de Smyle pour les managers

Intervenez rapidement pour éviter l’escalade. Plus vous attendez, plus le seuil de non-retour se rapproche. Chaque partie se renferme dans une vision binaire du problème et les compromis sont d’autant plus difficiles à trouver.

Refusez d’entrer dans la boucle de la colère de votre collaborateur.

Le triangle de Karpman : une représentation d’un cas typique de cercle vicieux.

Les mécanismes de l’agressivité

L’interdépendance

Comprenons bien qu’en entreprise, tous les salariés sont en interdépendance les uns vis-à-vis des autres. Chaque attitude, réaction, comportement impacte celui d’autrui. Influencer peut vouloir dire améliorer ou empirer le processus d’agressivité. Si l’un utilise le langage de la raison et que son interlocuteur répond par l’émotion (ou vice-versa), la communication devient difficile.

Ce qui influence nos émotions

Nos interprétations

Notre perception des circonstances ou d’une personne influence notre émotion.

Trois éléments principaux  (parmi tous les filtres personnels) font cadre de référence et agissent sur nos ressentis :

  1. nos pensées ( ce que je me dis d’une situation) ;
  2. nos croyances ( parfois limitantes) ;
  3. notre passé (expérience traumatisante, biais cognitifs, éducation, valeurs, culture…).

La véritable cause du déclenchement d’une émotion tient davantage à « ce que l’on se dit à propos d’une situation », à l’interprétation qu’on en fait, qu’à la situation elle-même.

« Les gens sont troublés, non par les choses, mais par l’image qu’ils s’en font. »

Epictète, philosophe de l’Antiquité.

gestion de conflits

Nous ne voyons pas le réel tel qu’il est, mais tel que nous sommes. La manière dont nous percevons les choses est toujours une question de point de vue. Nous percevons le monde à travers nos prismes.

Source : William Ely Hill – My wife and my mother-in-law

Jeune femme ou vieille femme ?

La danseuse en rotation – Dans quel sens tourne la danseuse ?

Avant de plonger dans une discussion animée, mieux vaut se mettre à la place de son collègue et tenter de comprendre son point de vue.

Nos capacités cognitives

De quels outils disposons-nous pour faire face aux situations de tension ?

  • une écoute fine et attentive de soi et des autres ;
  • la gestion des émotions ;
  • la connaissance de soi et des autres.

Nos besoins insatisfaits

L’agressivité est souvent liée à des besoins insatisfaits.

  • besoin de sens, de clarté, de compréhension, d’informations ;
  • besoin d’être rassuré ;
  • besoin de communication pour s’exprimer et être écouté.
La pyramide de Maslow

La pyramide de Maslow exprime la hiérarchie des besoins au travail : physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime, d’accomplissement. Un besoin insatisfait crée une émotion allant de la frustration à la violence en passant par la contrariété, la colère et l’agression.

😉 Tips de Smyle pour les managers

Recherchez le besoin insatisfait caché derrière la réaction émotive et engagez le dialogue en fonction.

Les 2 vitesses du système de pensée

Notre système de pensée réagit en deux temps, 2 vitesses.

1.Le système 1 se comporte de manière automatique et intuitive, il déclenche l’émotion.

Je vois quelque chose de long sur la pelouse, je recule et crie par peur d’un serpent.

2.Le système 2 et son approche analytique résolvent le problème.

Je comprends qu’il s’agit d’un tuyau d’arrosage : tout va bien, je me calme.

Dans cet exemple, la pensée se rationalise rapidement. C’est différent la plupart du temps, notamment au travail, car les événements sont plus complexes.

Le corps répond aux situations en déclenchant une émotion. Certaines agréables (joie, satisfaction, fierté), d’autres moins (tristesse, frustration, agacement). Toutes ont un rôle précis. Encore faut-il savoir le déchiffrer.

Celui qui a appris à identifier ses émotions, les interroge et les transforme en action constructive. À l’inverse, sans cette gestion, on se laisse emporter, on devient incisif, voire violent.

Ainsi, un collaborateur stressé par une nouvelle mission (par exemple):

  • perçoit sa peur, note les risques concrets, les communique et ouvre un débat raisonné. Des propositions de solutions surgissent. Merci cette peur qui a permis d’anticiper !

ou

  • panique et agresse verbalement la personne source de l’idée anxiogène (selon lui). En l’occurrence, son manager qui lui a offert cette responsabilité.

😉 Tips de Smyle

Managers, soyez attentifs aux signaux faibles (tension musculaire, rougissement, volume de la voix, agressivité dans la voix, etc.) de vos collaborateurs et questionnez-les sans attendre.

Les différents types de conflits

Nous l’avons vu, la source du conflit émane souvent de la divergence d’appréciation d’une situation. L’anecdote de l’un devient une catastrophe pour l’autre. Un manager averti différencie l’élément déclencheur de la cause réelle et profonde de la querelle. Il questionne ses collaborateurs, entend leurs besoins et s’emploie à les satisfaire, tout au moins à les écouter et prendre en compte leur point de vue.

Comme la psychologie humaine regorge de méandres, nous affrontons divers types de conflits : 4 principalement.

1. Les conflits d’intérêts

Un poste alléchant et plusieurs candidats. Le conflit d’intérêts se manifeste alors sous forme de réflexions ou de petites actions répétées dans le but de nuire à son rival. Car oui, ici, il s’agit désormais de se débarrasser de ses adversaires potentiels. On observe la réciprocité : chacun essaie de discréditer l’autre.

2. Les conflits de relation

Le conflit de la relation provient d’une attitude ou d’un langage inadapté. Tandis que l’un s’adresse d’égal à égal, l’autre attend un discours d’employé à supérieur.

On ne s’adresse pas à un collègue comme à son patron ou à son manager comme à son coach sportif.

On y retrouve notamment les éternels conflits de génération.

3. Les conflits de méthode

Le terme est évocateur : c’est la mise en œuvre des actions qui pose divergence. Les objectifs et les enjeux sont clairs et acceptés. Pour autant, les collègues ne s’entendent pas sur le process. On parle également de conflits interpersonnels lorsque les méthodes de travail sont radicalement opposées. L’un s’attèle à régler le moindre détail tandis que l’autre préfère réfléchir de manière visionnaire.

L’outil DISC aide à partager les tâches selon les appétences de chaque membre de l’équipe.

4. Les conflits de valeur

Principes, morales, opinions politiques, chaque collaborateur voit le monde selon son prisme et ses valeurs personnelles. L’un, écologiste convaincu, ne vit que pour la sobriété, l’autre, créateur rêveur, noircit des pages d’idées et inclut des vidéos dans chacune de ses présentations. Exemple volontairement caricatural. Vous l’avez compris : positionnez des hommes et des femmes aux sensibilités opposées au sein d’une même équipe et vous entendrez certainement le ton monter. Leurs divergences peuvent amener à des incivilités.

Leur faire prendre conscience de leur différence et en quoi elle représente une complémentarité et donc une richesse apaise souvent les incompréhensions et par conséquent les tensions.

Quel comportement pour apaiser les conflits au travail ?

Face aux incivilités, aux différends ou aux disputes, le manager devient un médiateur. Dans sa boîte à outils, il range : empathie, savoir-être, intelligence émotionnelle, communication fluide et constructive.

L’empathie

Faire preuve d’empathie, c’est entrer dans la logique de l’autre (sans forcément l’accepter). De fait, on lui accorde de l’estime, on l’écoute sans jugement. Il perçoit qu’on cherche à comprendre et non à l’influencer.

😉 Tips de Smyle

Questionnez votre interlocuteur pour approfondir sa demande et son besoin puis confirmez ses dires pour vérifier que vous êtes alignés.

❌ Les attitudes à éviter :

  • se montrer indécis ;
  • répliquer du tac au tac ;
  • voir l’autre à travers soi ;
  • induire les réponses.

Le savoir-être

Revenons au principe de civilité : politesse et courtoisie. Et si nous parlions simplement de savoir-vivre ? De management intelligent ? De courage managérial ?

Communiquer avec assertivité, adapter son discours, faire preuve de congruence, maîtriser l’écoute active : autant de compétences pour accueillir le collaborateur agressif.

L’écoute passive, pour sa part, suppose de la disponibilité et la capacité d’accepter le mode de pensée de la personne.

Un travail préalable d’écoute de soi et d’estime de soi permet d’avoir suffisamment confiance pour pratiquer le oser dire et réguler les émotions de ses équipes.

La méthode OSBD

Pratiquer la communication non violente reste le b.a.-ba de tout manager désireux de favoriser l’épanouissement personnel de ses collaborateurs et la performance collective de ses équipes.

Si plusieurs solutions existent (comme FEBA : faits, émotions, besoins, actions), nous vous proposons la méthode OSBD.

Observation, sentiment, besoin, demande : nos lecteurs fidèles connaissent bien cette technique de communication. Elle permet d’appréhender les réels besoins de l’interlocuteur pour mieux les satisfaire.

ObservationIl fait 26° dans le bureauDepuis le début du projet, nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur notre fonctionnement, cela nous fait perdre du temps.
SentimentJ’ai chaudJe ressens de l’agacement face à cette situation et je suis même déçu de constater que nous n’y arrivons pas.
BesoinSe rafraîchir

Boire

J’ai besoin de clarification sur nos rôles et responsabilités.
DemandePeut-on faire une pause pour se rafraîchir ?Es-tu d’accord pour que nous prenions le temps de nous aligner en posant nos règles de fonctionnement et le « qui fait quoi » sur ce dossier ?

😉 Tips de Smyle

Suivre les accords toltèques améliore la communication.

Les conflits en entreprise génèrent de la fatigue physique et psychologique. Ils mettent à mal la santé mentale, la QVT et poussent à la démotivation. Le manager éveillé sur les cadres de référence et la divergence de prisme résout les dissensions d’autant plus facilement. Le dialogue, les feedbacks constructifs et l’écoute attentive désamorcent les situations tendues et préviennent celles de non-retour.

Je préfère anticiper, je contacte Mylène pour apprendre à gérer les conflits.

Sources :

https://www.cnfce.com/dossier/conseils-conflits-travail

Le sondage OpinionWay

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