Halte aux biais décisionnels qui piègent votre pensée

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Pensez-vous que vos décisions vous appartiennent vraiment ? En réalité, 11 secondes avant que vous ne le compreniez, votre cerveau a déjà tranché. Entre excès de confiance et biais de négativité ou de cadrage serré, votre inconscient prend des raccourcis qui altèrent votre jugement : les biais cognitifs. En tant que dirigeant ou manager, savoir contourner ces obstacles à l’objectivité et au libre arbitre prémunit contre l’irrationalité de vos choix et de ceux de vos équipes. Voici 5 biais décisionnels à connaître pour hacker votre cerveau et celui de vos collaborateurs. Welcome back à la raison !

Le biais de l’excès de confiance et la prise de décision

« Nous avons une confiance absolue dans le Titanic », annonçait fièrement le vice-président armateur du fameux paquebot insubmersible. No comment !

Le trop haut degré de confiance face à un sujet précis (une personne, un projet) empêche toute lucidité relative aux risques et fait perdre le sens de la réalité. Adieu la pensée objective.

Les études scientifiques montrent que nous, et plus particulièrement les entrepreneurs, avons tendance à nous surestimer. 

La psychologie cognitive, notamment Moore et Healy en 2008, différencie deux environnements de ce trop-plein de confiance :

  1. soi-même avec le défaut de calibration (surestimer ses propres capacités) ;
  2. les autres avec l’illusion positive (se croire meilleur que la moyenne).

Ainsi, 93 % des Américains affirment se trouver parmi les 50 % d’automobilistes qui conduisent le mieux.

Les études de Cooper et Al en 1998 montrent l’excès de confiance de l’entrepreneur (leader, manager, start-upper, etc.)

En effet, les porteurs de projet attribuent un indice de réussite de 81 % à leur entreprise. Ce chiffre tombe à 59 % si le même projet est porté par un autre chef d’entreprise. 

💡 Comment trop de confiance biaise les décisions ?

  • sous-estimation du temps nécessaire à une tâche ;
  • minimisation des risques. Le célèbre livre de Christian Morel, Les décisions absurdes, regorge d’exemples. La navette Challenger explose quelques secondes après son lancement, malgré que les ingénieurs ont alerté sur le risque de défaillance du joint d’étanchéité.

😉 Tips de Smyle pour revenir à un niveau de confiance plus modéré

  • Écouter son entourage, notamment les experts.
  • Intégrer les doutes dans sa réflexion et les étudier pour une meilleure gestion des risques.

Le biais de négativité affecte l’objectivité

« Chat échaudé craint l’eau froide », vous connaissez ?

Le cerveau retient plus facilement les informations négatives : elles captent davantage l’attention et s’ancrent mieux dans la mémoire. À l’inverse, les bons souvenirs s’envolent facilement. Le cerveau reptilien est là pour nous protéger. Il a gardé le réflexe de donner priorité aux dangers. Cela remonte à la préhistoire quand tout était question de survie.

💡 Les conséquences de la négativité sur la prise de décision

  • Plusieurs distorsions cognitives apparaissent :
    • la disqualification du positif (minimiser une expérience réussie) ;
    • la surgénéralisation (extrapoler à partir de peu d’éléments) ;
    • l’anticipation négative (ne penser qu’aux risques) ;
    • l’abstraction sélective (se focaliser sur les détails négatifs) ;
    • le filtre négatif (ne mémoriser que le négatif).
  • Se focaliser sur les expériences décevantes amène aux préjugés, à l’élaboration de stéréotypes, voire à la discrimination.
  • Le manager préfère « éviter le pire » au lieu d’oser l’innovation, le changement.

Tel collaborateur a commis une erreur de jeunesse, je décide inconsciemment de ne plus embaucher de personnes de moins de 30 ans.

😉 Tips de Smyle pour déjouer le biais de négativité

  • Tenir un journal de gratitude, de succès pour capitaliser sur les expériences réussies.
  • Demander un regard externe plus objectif.
  • Relativiser.
  • Pratiquer le feedback positif, ainsi le manager récompense les équipes. La mémoire des collaborateurs retient la gratification et il gagne en leadership.

Le biais de cadrage serré

Pourquoi cadrage ? Car le cerveau, soucieux de simplifier le raisonnement, restreint naturellement le nombre d’options. C’est notamment évident lors d’une question fermée. L’appel à répondre « oui » ou « non » empêche de réfléchir à d’autres alternatives telles que le compromis ou le consensus. Cela incite à occulter la possibilité d’une solution gagnant-gagnant.

💡 Les conséquences du biais de cadrage serré sur une prise de décision

Ce biais pénalise particulièrement la richesse de la conduite des négociations. Chaque intervenant cherche à gagner la bataille avec une vision binaire plutôt qu’à co-construire une solution par le haut.

Exemple :

Quand un collaborateur sollicite une augmentation de salaire, le manager, au lieu de penser « oui ou non », questionne et approfondit la demande pour chercher le besoin réel.

Ainsi, au lieu de refuser, le manager satisfait la demande de son collaborateur en améliorant son environnement de travail et en diminuant ses coûts ou ses temps de transport, par exemple. Car, ensemble, ils ont convenu qu’au-delà du revenu, le salarié aspirait à un meilleur confort de vie.

😉 Tips de Smyle pour une décision ouverte d’esprit

  • Cultiver la curiosité pour élargir le champ des possibles.
  • Favoriser la créativité pour faire émerger des solutions innovantes.
  • Reformuler et questionner pour entendre les questions sous-jacentes.

Le biais de conformité ou pression de conformité

François Rabelais, dans son roman Pantagruel, nous donne un exemple très imagé avec Les moutons de Panurge.

Le biais de conformité consiste à suivre l’avis du plus grand nombre, le fameux effet de groupe. Au lieu de se fier à son jugement, nous préférons adhérer à la pensée collective comme l’a mis en évidence le psychologue Irving Janis dans les 70’s. 

Nous avons tous visionné cette expérience où de faux candidats donnent sciemment la mauvaise réponse. Le « cobaye », interrogé en dernier, choisit la mauvaise réponse bien que persuadé de l’inverse. 

Dans son livre Vous allez commettre une terrible erreur, Olivier Sibony y associe l’effet de halo. « Steve Jobs est un génie, donc tout ce qu’il fait est génial ».

💡 Les conséquences de la pression de conformité

  • Effet de cascade : chacun se range à l’avis du groupe ou du référent et reproduit l’erreur.
  • Polarisation : dans un débat, l’effet de groupe renforce la position de chacun (débat politique) ;
  • Focalisation sur le déjà connu, on capitalise sur une expérience sans tenir compte du contexte différent.

😉 Tips de Smyle pour limiter l’effet de conformité

  • Donner la parole aux collaborateurs moins influents, mais plus raisonnés.
  • Favoriser l’esprit critique en appelant au débat.
  • Désigner un collaborateur qui pointe les risques. La méthode des chapeaux de Bono1 est idéale, déposez le chapeau noir sur le (malheureux ?) élu.
  • Attribuer des rôles d’expert pour que chacun divulgue des conseils éclairés de qualité.

1 : Edward de Bono, psychologue spécialiste en sciences cognitives, a développé la méthode des 6 chapeaux pour aider chacun à structurer sa pensée.

Outil : les chapeaux de Bono

Le biais de confirmation et autres biais décisionnels

Le biais de confirmation : le cerveau tire la réalité à lui et nous fait ignorer les informations qui contredisent ses croyances. L’inconscient recherche, interprète et retient les informations qui confirment ses hypothèses, ses opinions.

Son corollaire, le biais de champion, nous incite à donner notre pleine confiance à un héros, le leader par exemple. Cela rappelle l’effet de halo.

Autres biais décisionnels :

  • Le biais de Zajonc qui consiste à croire plus facilement ceux que l’on côtoie davantage. Les publicités répétitives jouent de ce biais pour convaincre. Les influenceurs qui martèlent les réseaux sociaux l’utilisent aussi.
  • Le biais des émotions immédiates. Nos fidèles lecteurs sont désormais très au fait sur l’influence des émotions sur notre comportement donc sur nos décisions.
  • Le biais de l’intuition. Cette petite voix intérieure, ce Jiminy Cricket de l’entrepreneur alerte ou encourage, mais parfois, il se trompe.

3 conseils pour des décisions objectives et raisonnées

Olivier Sibony expose l’architecture de la décision la plus objective possible et donne trois pistes pour y parvenir.

  1. Confronter les points de vue par le dialogue.
  2. Voir les faits sous un autre angle grâce au décentrage. Les cinéphiles se souviennent du Cercle des poètes disparus.
  3. Favoriser l’agilité dans la prise de décision par une attitude dynamique, flexible, incluant la gestion du risque.

Affronter les biais décisionnels commence par prendre conscience de leur existence et de leur influence. Pour le manager, et aussi pour ses équipes, les connaître pour mieux les déjouer est un vrai facteur de rationalisation des arbitrages. L’analyse des contre-avis et des risques amène à plus de logique pour les nouvelles dispositions. Les équipes avancent avec plus d’objectivité, elles gagnent en performances et leur manager en leadership.

Je veux reprendre le contrôle de mes décisions. Je contacte Mylène.

Nos sources :

Les études de Moore et Healy et de Cooper et Al

Calibration et illusion positive

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